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Auteurs Messages

Tomdubor
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Messages : 7


Posté à 12h46 le 06 Jul 20

(Un homme se tient devant un tableau, il attend, comme si des élèves rentraient en classe.)

Bonjour à tous les boutonneux ! Ça y est ? Tout le monde à pris place ?
C'est bien ce que je craignais...
Hey, les deux du fond. Celui qui vient de s'effondrer sur son bureau ainsi que son voisin qui met
ses pompes sur le sien, vos attitudes sont intéressantes, vraiment intéressantes.
Regardez, tous les autres se sont assis avec le culcul bien droit et une règle dans le dos, ça me déprime.
Venez devant les artistes, votre indépendance doit être mise en avant.
Hein ? Comment ça « c'est relou » ?
Tu appelles ça une rébellion jeune chancre mou ? C'est terriblement conventionnel.
Je vous ai donné un ordre, en ai-je le droit ? Fondamentalement, non.
Tu aurais pu me dire d'aller me faire plumer, bref.

Je remplace aujourd'hui mon ami, votre professeur de philosophie, qui doit officiellement
subir une opération de la prostate. L'idée le faisait rire.
Pour votre gouverne, ce grand homme se fait plutôt tripoter les conduits métaphysiques
par un chaman réputé. Il va se faire droguer férocement dans le but de comprendre profondément
ce que signifie « naître à soi-même ». Car nous sommes d'éternels apprentis, et il le sait bien.
Ça vous parle ? Oh, ne rigolez pas bêtement. Non, il ne va pas être « stone » bande d'ectoplasmes.
Il ne s'agit pas de s’anesthésier le cortex devant un jeu vidéo débile, mais de vivre une expérience
transcendantale.
A moins de croître au fin fond de l'Amazonie, il faut d'abord s'évader pour ensuite voyager.
J'entends par là que nous grandissons entourés de lois humaines qu'il faut savoir remettre en
question, c'est l'évasion, avant de mettre en pratique notre propre modèle, c'est le voyage.
Aujourd'hui donc, inspiré par l'aventure de votre professeur qui s'évade de lois perceptives
pour gagner en liberté par la suite, j'ai décidé que nous aborderions la première personne
du singulier. Autrement dit, nous allons faire un cours de JE, J-E, tenter de comprendre
sa nature.

Est-ce que l'un d'entre vous à une idée de ce qu'il implique ?
Oui, toi. Un tas d'emmerdes ? Et pourquoi ça ?
Ah, oui, s'il y avait moins de JE, la planète irait mieux.
Ce n'est pas faux, mais en même temps, est-ce que la majorité a conscience du pouvoir individuel ?
J'en doute, et cela contribue beaucoup, à mon sens, à ce tas d'emmerdes dont tu parles.
Car c'est aussi le JE qui nous permet de nous comprendre nous même, de creuser pour bien
différencier ce qui fait notre bonheur de ce qui nous est néfaste.
Car il suppose que... (donnant la parole du doigt) Qu'un lui et un elle ont copulé ?
Qu'est-ce que tu veux dire ?.. Car c'est ainsi qu'apparaissent les petits JE.
Heu... Oui, ce n'est pas faux, c'est mignon. Heum, tu as l'air complètement éclaté, c'est juste ?
Oh tu peux le dire. Toujours en philo. Bon, et pourquoi ça ?
Oh je ne suis pas sûr que ça t'aide à réfléchir et puis... Comment ? Heu, merci, toi aussi tu es
jolie, mais ce n'est vraiment pas... De quoi ? Fusionner nos JE lors d'un petit jeu jeudi ?
Heu, je suis flatté, mais tu es trop jeune. Non, non, nous ne jeûnerons pas ensemble non plus,
d'ailleurs ça n'a aucun rapport. Bref, j'espère que tu vas trouver la suite planante.

Donc, si je dis « je », cela signifie que... (Même mouvement que précédemment)
Oui ! Bravo jeune corbac. Cela signifie que je suis conscient de moi-même.
D'où la possibilité, à partir de là, de remettre en question ce qui me compose comme ce qui m'entoure. De faire mes choix en fonction d'un tout.
Donc, normalement, il devrait falloir d'avantage que des croquettes journalières pour me tenir en
laisse. La liberté potentielle que donne JE est gigantesque.
Voyons à présent ce qui le conditionne.
Il y a d'abord l'éducation parentale, puis scolaire.
Mais elles-mêmes sont, sauf exceptions, influencées par une société.
C'est à dire une culture, des lois, un système de pensée.
Nous grandissons à une certaine époque avec les moules qui lui sont propres, cela influence
fortement l'évolution du JE.
Comment alors, selon vous, pouvons nous éviter de n'être que les produits d'une certaine
temporalité ? Ou, si vous préférez, comment faire en sorte que JE ne sois pas réduit à un prisme,
une vision étriquée du possible façonnée par les codes qu'on lui impose ? (même mouvement)
Oui, toi. En mangeant plein de trucs différents ? Ah bon ? Et je peux savoir pourquoi ?
Parce qu'on ne sait jamais quel caca va en ressortir.
Oh, ne vous marrez pas trop, ça peut être un axe.
Déjà, pour manger plein de trucs différents, il va te falloir ?
Du fric. Ok, c'est indéniable. Mais encore ?
La dalle. C'est vrai que c'est mieux, mais cela n'empêche pas de bouffer toujours la même chose.
Donc ? De la curiosité, exactement ! La même qui te pousse à faire des expériences avec ta fiente.
De là, la capacité à remarquer des différences, de faire des nuances et d'en tirer des conclusions.
Comment ? Tu as mal au bide. Et bien, fais ta vie, va aux toilettes.
C'est le risque de l'expérimentation. Quand c'est une aventure métaphysique, cela fait souvent mal
au crâne, c'est comme ça.
Pense à mettre des électrodes sur ta merde, tu me diras si tu arrives à lui donner vie !
N'empêche, voilà un ressort primordial de l'évolution.
La curiosité permet la prise de conscience des contrastes, de la diversité, et nourrit la créativité.
C'est pour cela qu'une dictature se doit de l'endiguer, de la cadrer, par la censure, la propagande,
la norme et en mettant la pression à l'individu, au JE, et donc au peuple.
Car de la curiosité découle aussi la connaissance qui génère à son tour de l'esprit critique.
Comment ? Vous pensez n'avoir jamais connu de dictature ?
Sous certains aspects, c'est vrai. Mais en même temps, lorsqu'un système économique s'applique
au monde entier en favorisant les inégalités, une monnaie virtuelle, et que son étau se referme à tous les niveaux, peut-on encore parler de démocratie ?
Peut être qu'en fait, sous une nouvelle forme, vous n'avez connu que ça.
Il faudrait demander aux pays défavorisés, à la biodiversité et à l'écosystème ce qu'ils en pensent.
Mais c'est un vaste sujet. Simple, dans la mesure où l'objectif de monopole lié au capitalisme
et l'anthropocentrisme aveugle que nous pratiquons flattent nos instincts les plus immatures, mais
vaste dans la mesure où l'on peut l'aborder par bien des angles.
D'où l'importance de se sculpter soi-même pour s'harmoniser avec le tout, qu'il soit objectif ou subjectif, ce qui nous fait revenir au JE.

La curiosité donc, roue de l'évolution, mais qui a elle-même son moteur.
Qu'est-ce qui rend curieux ? (questionnant du doigt une nouvelle fois)
Ah, le vilain défaut. Oui, c'est ce qu'on dit.
Je ne sais pas quel con a pondu cette affirmation, peut être un tueur à gage en foutant un flingue
sur la tempe d'un journaliste d'investigation.
Bref. La condition pour être curieux... Pensez à l'expérience de votre cacamarade.
Hein ? Et bien oui, l'envie de se marrer, l'excitation de comprendre ou de tester.
Il y a donc plusieurs degrés de sérieux dans la curiosité, mais son ressort est l'envie.
Exactement, pas d'envie, pas de pipi.
Vous auriez pu dire ça à vos professeurs en rendant feuille vierge lors d'un contrôle.
Sans envie, la compréhension est lente et superficielle.
Pourquoi ? Parce qu'on est nul quand on aime pas. Bah ouais, tout simplement.
Parce que du coup, on a pas envie de s’intéresser.
Et je maintiens qu'un être qui n'aime rien, c'est un être qu'on a brimé voire violenté.
On en arrive donc à la conclusion qu'aimer est le moteur de développement efficient de l'individu,
du JE.

Faisons maintenant des corrélations, des ramifications entre le verbe aimer et le mot amour.
Prenons n'importe quel exemple. Toi, qu'est-ce que tu aimes faire ?
Badigeonner des barbies de mercurochrome. Ok, pourquoi pas.
Qu'est-ce que cela te procure ? Du plaisir, évidemment.
Tu le fais souvent ? Tous les soirs.
De la même manière ? Non, tu inventes. Parfait.
Tu allies donc l'habitude avec la création, c'est éminemment artistique.
L'habitude fait le repère, la nouveauté l'expansion du savoir et de l'expérience.
Et c'est comme ça pour tout. Tout effort répété d'une personne consciente que la situation n'est jamais exactement la même tend vers son art.
Si elle oublie la nouveauté ou les paramètres prérequis à son expérimentation, il y a endormissement ou danger de perdition.
C'est un équilibre à trouver vis à vis de soi même.
De ce point de vue, nous cultivons donc tous des arts qui sont liés à la recherche d'équilibre.
Et cela d'autant plus sûrement si nous aimons nos activités.
Ce qui coule de source lorsque nous sommes libres.
Tout cela, nous pouvons le développer tout seuls.
JE se perfectionne par ce qu'il aime, il a tout ce qu'il faut pour être autodidacte.
L'esprit individuel est déjà sans limite et, comme on l'a vu, se développe rapidement en embrassant
ces appétences, sa curiosité.
Quand on s'améliore dans quelque chose croît notre estime envers nous même, notre amour propre.
Voilà le lien précieux et intrinsèque entre aimer et amour.
Les arts, que j'ai défini comme le résultat d'un effort répété conscient de l'aspect évolutif
de la réalité, renforcent notre amour personnel qui lui même permet de déployer notre liberté
que je nommerais l'art de vivre. Le plus fondamental de tous.
La confiance qu'il engendre nous donne la force d'affirmer ce que nous sommes.
C'est un travail jouissif et sans fin.

Bien. Comme JE n'est pas seul sur terre, incluons maintenant TU.
Un autre individu pratiquant d'autres arts ou de toute façon différent dans sa compréhension de
ceux-ci.
Comment, lors de cette interaction, générer plus de liberté pour les deux individus ? (même geste)
En se bourrant la gueule ensemble ? Brillante proposition, et pourquoi ?
Ça signifie qu'au delà de nos idées respectives, on est prêt à s'amuser. Et oui.
Et que donc, consciemment ou non, on recherche l'amitié, la complicité, et qu'on est même prêt
pour cela à faire tomber des barrières.
Voilà un excellent préambule pour favoriser la complémentarité plutôt que la dualité.
On commence par fumer ensemble le calumet de la paix, ce qui nous permet déjà de dévoiler,
par notre façon d'être, notre art de vivre.
Bien que nos vues puissent être différentes, il est, pour tracer un fond commun, une vérité indéniable. Nous vivons tous dans le même univers, le même monde, et nous faisons tous partie
de l'histoire de la vie.
Notez que j'ai volontairement évité de dire l'histoire de l'humanité.
Car j'aimerais qu'on regarde plus largement et remarquons que ma définition de l'art de vivre et de l'art en général englobe le fonctionnement du vivant tout entier.
Il se caractérise par des essais, des efforts répétés inscrits dans une logique d'évolution qui prospère
elle même dans un équilibre plus vaste, celui de l'écosystème.
Si ce tapis de fond était déjà bien clair lors de chaque rencontre, il y aurait déjà nettement moins de
conflits.
On éviterait par exemple de penser croissance illimité dans un monde fini et on pourrait reconnaître
un droit de propriété aux autres espèces animales.
Peut être, au moins, en reconnaissance de l'équilibre qu'elles maintiennent dans le chêne alimentaire.
Hein ? Oui, je préfère le chêne à la chaîne car ce n'est pas figé, cela marque mieux l'évolution et l'harmonie. Bref.

Pour revenir à la rencontre entre JE et TU, si l'un des deux à oublié stupidement que chaque être fait partie d'un équilibre plus grand, pernicieusement peut être, en plaçant l'homme au centre par exemple, il tire déjà la couverture de son côté.
Dans la mesure où il se place au-dessus de la nature et des autres espèces, on peut déjà déduire
qu'il a un problème avec la notion d'égalité de droits et de liberté générale.
Un manque de respect en entraînant un autre, cette ignorance de l'équilibre peut alors facilement
l'entraîner à vouloir prendre l'ascendant sur les autres individus.
Et là, comme tu disais l'artiste, c'est relou, c'est la guerre.
C'est d'autant plus ridicule et dangereux que, admettant qu'il la gagne, il va s'autodétruire au niveau planétaire et à l'échelle humaine rallier pleins de gens à son mode de pensée égoïste et aveugle.
Si on trouve sadiquement cool d'entraîner une myriade d'individus dans sa chute, comme un trou noir dément avide de pouvoir, c'est qu'on ne voit pas que générer une norme en imposant son point de vue, c'est façonner des clones de soi même.
Ce qui ne peut qu'alimenter une immense solitude pour l'instigateur comme pour les suiveurs
qui perdent partiellement leur individualité, leur art de vivre au passage.
Si l'amour est déjà à l'échelle personnelle le moteur de ce qu'on aime, de notre envie, de notre curiosité, si ce tout nous permet de développer l'art de vivre au travers d'un équilibre,
on voit bien que ce n'est pas compatible avec cette façon d'agir et de penser.
La perte de la différence, de la diversité et de la possibilité superbe de parler à un égal va nous étouffer. C'est, à plusieurs échelles, défier l'inéluctable, et l'effet boomerang est terrible.

Plaçons nous à présent dans le cas où JE et TU sont respectueux l'un envers l'autre et du tout
dans lequel ils évoluent.
Déjà, ils ne vont pas s'entrebouffer mais tenter de comprendre leurs subjectivités réciproque ainsi
que les faits, les vérités sur lesquels chacun s'appuie.
Cela fait naître une discussion, un échange, et non un débat comme on dit en politique.
C'est une recherche commune, ce qui a de bonnes chances de faire fructifier de la complicité
qui va générer de l'amour et tout ce qui en découle. Envie, curiosité, affirmation de liberté.
C'est lorsque cette interaction pacifique et intelligente est possible que TU accroît encore
la capacité d'évolution de JE.

Une question à présent. Si JE et TU sont conscient que la vie entière tend à développer son art de vivre, à prospérer dans l'équilibre d'une spectaculaire interconnexion, ou s'arrête leur liberté ? (même geste) Là où commence celle de l'autre. Ah, je l'attendais celle là.
Et bien oui, mais d'un autre côté, ma question est mal tournée.
Si on part du principe que la liberté se compose des droits nécessaires à l'évolution de notre art de vivre, empiéter sur l'autre, l'avaler ou en faire un clone, c'est nous priver de sa complémentarité, de sa richesse. C'est retarder notre évolution.
Donc, respecter l'équilibre de l'interconnexion, ce n'est pas brider notre liberté mais,
par l'observation respectueuse, la faire s'épanouir.
J'entends par là que la diversité nourrit notre sagesse, notre compréhension de l'harmonie,
ce qui est en réalité un tremplin pour la liberté telle que je l'ai défini.
L'égalité, l'éthique découlent tout naturellement de la compréhension de ce tout.
Il, nous, vous, ils doivent en prendre conscience rapidement ou le genre humain est cuit-cuit.

Des questions ? (même geste)
Ah, des références. Quel bon élève.
Et bien, je vais peut être te décevoir, mais sachez qu'il n'y en a qu'une de véritablement valable
qu'il faut d'ailleurs sans cesse remettre en question jusqu'à trouver des réponses solides, la vie,
tout simplement.
Un conseil quand même, vous devriez vous renseigner sur la bataille qui opposa Socrate
aux sophistes dans la Grèce antique.
Ce qui est arrivé au philosophe et le destin des autres en politique.
C'est très évocateur.

Voilà, je m'arrête la. Il me semble que vous avez maintenant un cours de langue et il est important
de continuer à faire briller la réputation du french kiss.
Après, si vous voulez vous barrer, ce n'est pas moi qui vais vous signaler.
Huit heures le cul sur une chaise, quel conditionnement démoniaque.
Allez, volez en étudiant le ciel, mettez vous à la place de tout pour vous comprendre vous même
et votre respect de la liberté sera tel que personne ne sera en mesure ou en droit de vous mener à la baguette. Bisous à tous jeunes homo sapiens !


Pierre
Membre
Messages : 6469


Posté à 08h37 le 07 Jul 20

Le JE est l'enfermement obligé puisque de l'autre et de ce qui nous est autre nous ne connaîtrons jamais que la parcelle de vérité que nous dévoile timidement la perception que nous en avons...

"Je suis seul ce soir avec mes rêves,
Je suis seul ce soir sans ton amour.
Le jour tombe, ma joie s'achève,
Tout se brise dans mon coeur lourd..."


Oxalys
Membre
Messages : 3192


Posté à 11h47 le 07 Aug 20

J'aurais aimé avoir un prof de philo comme toi, il y a bien longemps en terminale A, je ne me serais certainement pas tant ennuyée pendant des heures à écouter un bonze imbu de son ego, nous récitant quasi in extenso ses cours de fac.

Ce n'est que plus tard, en relisant de mon plein gré "le discours de la méthode" que j'ai compris le fameux cogito ergo sum - une re-découverte qui allait influencer ma pensée et mes actes pour toujours depuis.

S'il est une question que je peux poser : A quand la suite ?
On ne philosophe jamais assez !






Ce message a été édité - le 08-08-2020 à 11:00 par Oxalys

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