Sauvage Impérial
La savane est écrasée
De lumière et de chaleur,
Et sur la terre assoiffée
A frémi la grande peur
Des troupeaux et des gazelles.
Ceux qui ont le pas si lourd
Et celles qui sont si frêles
Ont senti que monte, sourd,
Un souffle encore immobile
Qui va s'abattre soudain
Sur quelque échine fragile
Désignée par le Destin.
Tapi dans les hautes herbes
Où la poussière se tait
Quand brûlent les cieux superbes,
Le fauve attend, il est prêt …
Tout se fige, guette, épie,
Et l'air lui-même suspend
Son tremblement d'incendie.
C'est l'insaisissable instant,
La minute avant l'attaque,
Celle où halète la peur,
La seconde avant la traque,
Engourdie dans la torpeur …
Il jaillit, imprévisible,
Implacable il a bondi,
Lancé, tendu vers sa cible
Que l'épouvante saisit.
Ce n'est qu'une course brève,
Ce n'est qu'un saut fulgurant,
C'est une vie qui s'achève
Dans un dernier craquement.
Le fauve repu sommeille,
Tous les sens enfin sereins,
Au plus profond de lui veille
Le silence des félins.
Le Chat en Majesté
Le temps sans hâte s'écoule,
Et si calme est la maison
Que l'heure glisse et s'enroule,
Insaisissable frisson,
Sur chaque odeur effleurée,
Sur chaque objet familier.
La fenêtre est refermée
Sur le jardin dépouillé,
Sur la rue pensive et grise
Où l'hiver s'en est venu
Parmi la brume indécise
Où le soleil s'est perdu.
Le chat, noble sentinelle,
Regarde passer le vent
Qui emporte sur son aile
Le ciel au galbe changeant,
Qui emporte sur la branche
Une à une les saisons
Où l'aube à peine se penche,
Où les soirs se font plus longs.
Le chat sait les habitudes
Des passants de chaque jour,
Il connaît leurs attitudes
Observées de jour en jour.
Est-ce une feuille fanée,
Est-ce un oiseau deviné,
Une pierre dérangée ?
Là, quelque chose a bougé …
Le chat, tendu, en alerte,
Scrute, non loin devant lui,
La solitude déserte
Où cette ombre a déjà fui.
Puis il s'endort, impassible,
Dans l'épaisseur des coussins
Où s'est retiré, paisible,
Le silence des félins.
Pour écrire la première partie, je me suis laissée guider par "Poursuite", extrait du CD "Le serpent" de Guem.<br />
Pour la seconde partie, il m'a suffi de regarder mes deux chats, excellents chasseurs de salon :)