La Blôve
par Lau
I
Si l’on embrasse du regard depuis la nue
L’immensité bleue où cette terre inconnue,
Glisse, périssoire, au flot fou des courants saouls
D’un océan qui se vengea jadis de l’homme,
-Ensevelit l’espèce, indélicat fibrome-
Dans la sentine des abysses, là dissous,
S’entreffrayèrent ses mèmes et ses chimères
- Magma ! remijote ces humains polymères !
Le long du dos de cet esquif embryonnaire
Croissent des crêts et des cris –le pin colonnaire
Abrite des oiseaux qui ne s’envolent pas
Et qui, pour se héler, aboient, aboient- la Lune
Roule en sens inverse et sur le faîte s’allume
Inonde d’ors et de lumière en contrebas
Une plage, on dirait une mangue charnue
Où mousse un hasard de vaguelette menue
II
Au ponant, apaisés, les poneys, les pur-sangs
Ont pour seul cavalier le chant du martin triste ;
C’est un chant bien plus gai que les stockmen’s accents :
C’est le vent soulevant l’aile douce d’un cistre
Aimé d’une grisette qui passait son temps
A glisser ses antennes et ses sentiments
Sur la corde et la plume de ce triste artiste.
Au levant, c’est le vert, fièvre et luxuriance !
La chlorophylle glousse au son des flots du creek,
Le laticauda file en toute insouciance
-La murène s’amuse au jeu d’un autre cirque-
Quelques renards-volants passent en fulgurance,
Goûtent le sang si frais de l'orange garance
C’est l’heure où le soleil émerge de la crique.
III
Sous une arche rosée en vésuvianite
S’excite et bout la nappe d’eau ;
Grignote, perce, glisse et creuse le granite
Transsude Ô Cyprine, cadeau !
Et la source s’étend sous l’ombre des fougères
D’argent, les sporanges gonflés
De gamètes confits par les lumières chères,
Fretins, sur ces frondes, enflés.
Veinules, rides, affluents, artérioles,
Sans étiolement, jamais,
Sur ces rus et ces marigots et ces rigoles
Dans mon isolement, j’aimais
T’imaginer, voletant, muse, extase, nymphe,
A l’aune de ces purs plaisirs
Que l’aulne et le charme ressentent lors la lymphe
Concocte les douze élixirs ;
Fratrie en trois, la trinité, terne triangle ?
Coruscation ! Débauche ! Excès !
Saute la notonecte et s’enfuit le rotangle
Vers des chaos moins désaxés
Où l’on ne vibre pas d’ouïr la cascabelle
De quelque ophis stigmatisé ;
Ici Lilith est femme, elle est simplement belle
Loin d’un vieil humain névrosé.
Ici, près de la source en un jour mille aurores
Me permettent de te laisser
Mille fleurs d’hibiscus, guimauve, tu colores
Les cheveux que j’aime embrasser.
IV
Par-delà la mangrove,
Au pied du mont-Koghi,
Le cri rauque – Kagu !
-Tel celui du sloughi-
Lancé par le cagou,
Donne à la nuit le groove
Tu rêves, près de l’eau,
Tout ointe de monoï,
Hâlée aux rais de lune,
-Glisse la carpe koï,
Danse la libellule :
Auréole et halo-
Poème posté le 05/01/20
par Lau