Amère igue...
par Salus
"A"
Pour "A"
Intemporelle et fine, "A" m'était tout tendresse ;
Or, j'avais toujours su cette étrange papesse
Qui jadis m'a choyé, nourri, blessé, privé !
Et par moi parcourue, où j'ai tant dérivé...
Une bourgeoise, "A", snob, puissante et bien gardée,
Comparable aux démons, à Lilith, Asmodée...
Je m'en étais enfui, la griffant jusqu'au cœur,
Pour venger la misère, et la boue, et la peur.
Depuis que je l'avais quittée, en ville amante,
Elle avait attiré, toujours, mon pas qu'aimante,
Cachée aux atours pleins de sinuosités,
La butte de ses Doms si souvent visités !
Oh ! les ondulations secrètes de ses charmes,
Ses airs coquets, coquins, les formes de ses Carmes,
Le vice suranné d'une attitude artiste,
Et le fil de ses flux, veinant cette peau bistre,
Courtine, au confluent de longues lèvres d'eau,
Mollement alanguie aux confins de la Crau,
Dans les lascivités d'une statue antique
Qu'un archer médiéval aurait mise en musique...
J'avais aimé son centre et ses sombres replis
Et l'odeur de bon goût d'effluves ennoblis
Par la maturité de cent mille ans d'histoire,
La rouerie affichée aux plis noirs de sa moire,
Son port, enfin, canaille, un aspect espagnol,
Ce regard langoureux, cerné de trop de khôl...
"A" m'aurait été reine, idole inaccessible,
Sans cette trahison éternelle et terrible
Qu'érige la Cité, que l'Etre appesanti,
Et toute la laideur de son confort nanti,
Racisme parasite envers celui qui sue,
Des calculs de lamproie avec un cœur sangsue !
Le moment seul qu'"A" m'avait vu, dès lors lointain,
Puis moi, parti, comme un reflet dans un faux tain,
Tout avait gentiment repris sa morne place.
Et je venais souvent, sans plus briser la glace,
Pour arpenter son corps de pierre, indifférent,
Et les endroit secrets qu'un souvenir me rend...
En "A"
Ce printemps m'apportait l'amour sur un plateau ;
Moi, rustre et très naïf, jouant l'éléphanteau,
Elle, par l'art du mentir-vrai, m'était acquise,
Devant les mots violents, coupants comme la bise
Et le je-m’en-foutisme affiché de mes vers,
Malgré ça, joliesse, et des rires offerts,
Elle m'avait, en plus d'un lapin, fait l’aumône
De quelques numéros fleurant la phéromone
Que même de très loin je détecte à coup sûr ,
(Ainsi voient le bûcher les gens de Montségur)
Signe de ces passions aux rets inéluctables
Qui vont, depuis le ciel, jusqu'aux Procustes tables !
"Aléa jacta est " (Un sort est-il jeté ?)
Passons le Rubicon de ce tout proche été
Et brûlons nos vaisseaux pour l'émotion chérie
D'où surgira peut-être une aimée égérie
Et l'aventure enfin du plus sublime affect
Qui puisse encore éclore en ce réel infect
Où l'homme est un pourceau comme la femme est truie,
Où l'on monnaye en or ce que la flamme essuie
De poisseuse bassesse et d'arrangements laids,
Dans les bouges puants, aux fastueux palais,
Avec dégoûts et gains, d'une âme résignée
A regarder le vide, à la ponction :
Saignée !
Grâce "A"
Nous fûmes amoureux ; des affections promises,
Nous passâmes sans heurt aux privautés permises
Entre ceux dont le corps suit le cœur prisonnier
De ce consentement qu'il est vain de nier,
Quand même accaparés par la charge des âmes
Qui, respectivement, pesait, nous nous aimâmes !
Nous fêtâmes Eros de jour comme de nuit,
Et nous apprîmes l'autre, et son pas, et le bruit
De nos respirations fut chose familière ;
Il n'était de seconde où ne luit la lumière,
La passion s’installa, conquise, comme un fief !
Hors les jeux, de nous deux, nul n'eût pu faire chef ;
Nous fîmes briller fort, chacun, les yeux de l'autre,
Et sans fin le futur, sans faim, semblait le nôtre...
Ainsi le doux chaos commencé des amours,
La magie en ces mots retors de cent détours
Nous fut filtre, ambroisie, et rallumant la braise,
Le feu nous prit !
Ma fiancée
Avignonnaise
Poème posté le 28/06/22
par Salus