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Laugierandre
Membre
Messages : 1920


Posté à 18h10 le 17 Jan 20


Dans le cadre nos jeux poétiques et des exercices de style, je vous propose une application que je pense avoir imaginée, sous toute réserve toutefois, et que j'ai intitulée "L'enter-poétique" (qui signifie "ajouter", greffer).

À partir d'un poème original composé en alexandrins, on conserve le premier hémistiche sans rien changer, et on imagine les six syllabes suivantes, pour le second hémistiche. Puis, au second vers, on commence par le second hémistiche original du premier vers, auquel on ajoute une suite à la place de celui de l'auteur. Et ainsi de suite, jusqu'à la fin du poème.

Plus qu'une longue et fastidieuse explication, les deux poèmes originaux de Victor HUGO, intitulés "Hier au soir" et "Dans ce jardin antique", suivis de mon application, ci-dessous, vous permettront de comprendre immédiatement le principe de cet exercice de style.

Particularité : en lisant simplement les seuls premiers hémistiches de gauche de cet exercice de style, le poème original réapparait.

____________________

HIER AU SOIR

(enter-poétique sur le poème de Victor HUGO)

Hier le vent du soir, à peine perceptible,
Dont le souffle caresse avec limpidité,
Nous apportait l’odeur profonde, irrésistible,
Des fleurs qui s’ouvrent tard dans leur complicité.
La nuit tombait, l’oiseau, aux branches protectrices,
Dormait dans l’ombre épaisse à l’abri d’un grand pin ;
Le printemps embaumait d’essences séductrices,
Moins que votre jeunesse et qu’aucun mot ne peint.
Les astres rayonnaient, forces révélatrices,
Moins que votre regard amical et taquin.

Moi, je parlais tout bas, seulement un murmure ;
C’est l’heure solennelle où tout se fait discret,
Où l’âme aime à chanter sous la verte ramure,
Son hymne le plus doux, aussi le plus secret.
Voyant la nuit si pure et bien enchanteresse,
Et vous voyant si belle assise à mes côtés,
J’ai dit aux astres d’or d’une voix de tendresse :
Versez le ciel sur elle et toutes vos bontés !
Et j’ai dit à vos yeux sans que cela paraisse :
Versez l’amour sur nous, sur nos cœurs transportés !

ANDRÉ



Victor HUGO

HIER AU SOIR (poème original)

Hier, le vent du soir, dont le souffle caresse,
Nous apportait l'odeur des fleurs qui s'ouvrent tard ;
La nuit tombait ; l'oiseau dormait dans l'ombre épaisse.
Le printemps embaumait, moins que votre jeunesse ;
Les astres rayonnaient, moins que votre regard.

Moi, je parlais tout bas. C'est l'heure solennelle
Où l'âme aime à chanter son hymne le plus doux.
Voyant la nuit si pure et vous voyant si belle,
J'ai dit aux astres d'or : Versez le ciel sur elle !
Et j'ai dit à vos yeux : Versez l'amour sur nous !


Ancienmembre
Membre
Messages : 391


Posté à 18h25 le 17 Jan 20

C'est comme la dilatation, mais en plus costaud. Je m'y mets demain aux aurores.
Merci André pour cette excellente idée.
C'est de l'intertextualité de haut niveau
clindoeil


Laugierandre
Membre
Messages : 1920


Posté à 19h10 le 17 Jan 20


Oui, il y a un petit air de ressemblance,en effet, avec la "dilatation" et c'est certainement, comme tu le dis, une sorte inconsciente d'intertextualité qui m'a "guidé" pour imaginer ce nouveau genre d'exercice ludique.

Cela se rapproche aussi du procédé de KERDREL mis en application dans son sonnet à deux mains, d'après le poème de MALLARMÉ.

Les idées fusent, en ce moment ! Mdr


Je te remercie vivement pour ton iintérêt, pour ta disponibilité et pour ta gentillesse, OBOFIX.

Excellente fin de soirée.

ANDRÉ

Salut Salut Salut



Ce message a été édité - le 17-01-2020 à 19:11 par Laugierandre


Domenica
Membre
Messages : 346


Posté à 19h17 le 17 Jan 20

Un nouveau jeu ! super, merci André, et... bravo encore !
Tu as abattu un travail considérable et c'est vraiment très généreux à toi de nous le faire partager
MERCI

Coucou


Laugierandre
Membre
Messages : 1920


Posté à 19h33 le 17 Jan 20


Le plaisir du partage n'a d'égal que la passion qui sait nous réunir dans l'Amitié, la considération et la bonne intelligence. Ainsi, nous allons toujours plus loin et nous nous enrichissons les uns aux autres.

MERCI DOMÉNICA pour ton estime et ta belle contribution. Je t'en sais gré.

Je te souhaite un excellent week-end.

BISOUS marseillais.

ANDRÉ

Salut Salut Salut


Ancienmembre
Membre
Messages : 391


Posté à 05h02 le 18 Jan 20

J’ai retenu les sept premiers vers d’un sonnet de Stéphane Mallarmé pour en bricoler un pastiche :


Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L’Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore
 
Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d’inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx)



Ses purs ongles très hauts sont comme un coup d’aile ivre,
dédiant leur onyx à je ne sais quel Duc.
L’Angoisse, ce minuit, auréolée de givre,
soutient, lampadophore, enfin ton meilleur truc.

Maint rêve vespéral est inscrit dans le Livre
brûlé par le Phénix en haut de l’aqueduc.
Que ne recueille pas, ce vent qui nous délivre,
de cinéraire amphore avant d’être caduc.
 
Sur les crédences, au milieu du centre d’un
salon vide : nul ptyx en marche pour Verdun
(aboli bibelot qui ce jour nous assigne).

D’inanité sonore, on en parle aujourd’hui,
car le Maître est allé, juste après le déduit,
puiser des pleurs au Styx où barbote le cygne.



Ce message a été édité - le 18-01-2020 à 05:08 par Obofix


Ancienmembre
Membre
Messages : 391


Posté à 06h07 le 18 Jan 20

Sur un autre sonnet du même Mallarmé
j'ai commis vite fait sulgaz, ce petit pastiche contre-assoné.

Rien, cette écume sur le sable
à ne désigner que la cible.
Telle loin se noie la tribade
de sirène mainte et gracile.
 
Nous naviguons, ô connétables
amis, moi déjà convertible,
vous l’avant fastueux qui rame
le flot de foudres et de bile .
 
Une ivresse belle m’étreint,
sans craindre même aller au trot,
de porter debout cette étrave.
 
Solitude, récif, ressac,
à n’importe ce son de soc,
le blanc souci de notre épave.



clindoeil


Serona
Membre
Messages : 104


Posté à 08h58 le 18 Jan 20

Quelle bonne idée, André! Je vais m'y essayer dès aujourd'hui.
Bravo pour ce premier "enter-poétique"!
Coucou



Ce message a été édité - le 18-01-2020 à 09:06 par Serona


Laugierandre
Membre
Messages : 1920


Posté à 11h12 le 18 Jan 20


Bonjour OBOFIX,

Je vois que tu n'as pas perdu de temps. La rapidité avec laquelle tu as commis ces deux "enter-poétiques" n'a d'égale que ta parfaite assimilation du procédé et l'excellence du résultat.

En tant que poètes nous sommes habitués à la rime ainsi qu'aux contraintes de la prosodie. Mais là, la difficulté tient ESSENTIELLEMENT au fait de ne pas désorganiser le sens initial du sujet du poème et de conserver le style de l'auteur. Double sujétion, par conséquent et doublement du nombre de vers par voie de conséquence.

Tu t'es solennellement acquitté de la tâche.

Coucou Coucou Coucou Coucou

MERCI pour ton apport précieux.

Excellent week-end.

CARPE DIEM

ANDRÉ

Salut Salut Salut


Laugierandre
Membre
Messages : 1920


Posté à 11h24 le 18 Jan 20


Bonjour SÉRONA,

Tes mots constituent un beau et amical soutien, en même temps qu'un puissant stimulant pour poursuivre ce topic grâce à ton enthousiasme.

En attendant le plaisir de te lire et de te commenter, je te souhaite de passer un bien agréable week-end.

MERCI, ET TOUTE MA SYMPATHIE.

CARPE DIEM

ANDRÉ

Salut Salut Salut


Ancienmembre
Membre
Messages : 391


Posté à 13h08 le 18 Jan 20

Merci André pour ton commentaire et cet exo très inspirant.


J’ai récidivé avec les 7 premiers vers d’un sonnet en déca de Tristan Corbière. ( Qui figure avec Mallarmé dans mon top five perso )


 
Oui — Quel art jaloux dans Ta fine histoire !

Quels bibelots chers ! — Un bout de sonnet,

Un cœur gravé dans ta manière noire,

Des traits de canif à coups de stylet. —
 


Tout fier mon cœur porte à la boutonnière

Que tu lui taillas, un petit bouquet

D’immortelle rouge — Encor ta manière —


 


Oui. Quel art jaloux dissimules-tu
dans ta fine histoire ! Quelle villanelle,

quels bibelots chers ! Je t’offre, fidèle,
un bout de sonnet de moindre vertu.


Un cœur gravé dans un frêne abattu.
Ta manière noire à la force frêle

des traits de canif à cœur-que-veux-tu.
À coups de stylet, j’œuvre sous la grêle.



Tout fier mon cœur porte, en guise d’écot,
à la boutonnière un coquelicot

que tu lui taillas un soir de septembre.

Un petit bouquet, que tu me cueillis,

d’immortelle rouge au noir d’un taillis
(encor ta manière), enflamme ma chambre.

Salut




Ce message a été édité - le 18-01-2020 à 13:48 par Obofix


Domenica
Membre
Messages : 346


Posté à 14h27 le 18 Jan 20

Bonjour Serona !
et bravo Obofix, quelle passion, ça fait plaisir, j'adore ton dernier ..

"Le cor" - Alfred de Vigny, strophes 1, 2 et 4

J’aime le son du cor dont la voix me transperce
Le soir, au fond des bois, telle une étrange ivresse,
Soit qu’il chante les pleurs déchirants et sans fin
De la biche aux abois dont l’angoisse m’étreint,
Ou l’adieu du chasseur, dans les branches calmées,
Que l’écho faible accueille au profond des ramées
Et que le vent du nord, dans le frisson du soir,
Porte de feuille en feuille en ranimant l’espoir…

Que de fois, seul dans l’ombre, errant, mélancolique,
A minuit demeuré dans ces lieux bucoliques,
J’ai souri de l’entendre ; et pourtant j’ai maudit
Et plus souvent pleuré son appel assourdi,
Car je croyais ouïr, dans ces notes voilées,
De ces bruits prophétiques, ces plaintes étranglées
Qui précédaient la mort, comme l’âme expirant
Des Paladins antiques, d'un Chevalier mourant …

Monts gelés et fleuris, grandiose montagne
Trône des deux saisons, ô fidèle compagne
Dont le front est de glace en l’azur transparent,
Et le pied de gazons que verdit le torrent !
C'est là qu'il faut s'asseoir, prier, se souvenir,
C'est là qu'il faut entendre et pleurer et chérir
Les airs lointains d'un Cor dans une forêt sombre,
Mélancolique et tendre ainsi qu’une chère Ombre…

***




Ce message a été édité - le 18-01-2020 à 14:29 par Domenica



Ce message a été édité - le 20-01-2020 à 07:28 par Domenica


Ancienmembre
Membre
Messages : 391


Posté à 14h54 le 18 Jan 20

Waou !
Quelqu'un qui n'aurait qu'un vague souvenir du poème initial, serait persuadé que tes vers sont de Vigny himslf. Comme dit André, tout l'intérêt et toute la difficulté de l'exo est en effet d'adopter le style du poète. Ça fait sortir un peu de sa zone de confort.
Encore bravo, doménica
Coucou Coucou Coucou Coucou Coucou Coucou


Laugierandre
Membre
Messages : 1920


Posté à 17h48 le 18 Jan 20


Bonsoir OBOFIX,

Encore une performance de ta part après tes deux premiers enter-poétiques sur MALLARMÉ.

Tu peux remercier ta Muse pour une si prolifique inspiration. Je crois qu'il n'y a pas de secret : à partir du moment où un canevas plaît, la difficulté paraît moindre, et cela devient une gymnastique de l'esprit qui, elle-même est cause d'exigence.

Coucou Coucou Coucou Coucou

MILLE MERCIS pour ton appréciée contribution.

Bonne fin d'après midi, OBOFIX.

Salut Salut Salut



Ce message a été édité - le 18-01-2020 à 17:50 par Laugierandre


Laugierandre
Membre
Messages : 1920


Posté à 18h07 le 18 Jan 20


Que c'est élégamment construit, DOMÉNICA !

Il a raison, OBOFIX, de souligner qu'on ne voit AUCUNE différence dans ton style d'écriture comparé au poème original de VIGNY. À part que cette extension d'une grande limpidité est celle de DOMÉNICA. Le développement que tu en donnes est irréprochable.

J'ai su, après une première lecture à haute voix pour apprécier la musicalité des vers, savourer les alexandrins aux césures franches à l'hémistiche donnant cette "respiration" nécessaire à la fluidité de chaque mètre.

UN GRAND BRAVO !

Coucou Coucou Coucou Coucou

Salut Salut Salut

Douce soirée à toi, et MERCI pour ce brillant partage.

ANDRÉ

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