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Posté à 15h37 le 19 Nov 20
« Ils » avaient dit qu’il ferait beau et comme par hasard il pleut…
Voilà ce que vient de lancer Jean-Paul en entrant. Je ne me suis pas levé du canapé et je le regarde occuper l’entrée par son volume, c’est que le Jean-Paul c’est pas un filiforme…
Il se met en train de quitter son imper, tout doit être trempé, sol, murs, je crains également pour le plafond… Je ne dis rien c’est pas la peine il me répondra que ça sèchera et il n’aura pas tort.
Il s’approche, je sais qu’il va s’affaler à côté de moi. Jean-Paul ne s’assoie pas, il se laisse choir.
Je me prépare en reposant mon verre, on ne sait jamais.
« Il va falloir que tu changes quand même de canapé ». Ca c’est l’intro. Normalement il devrait enchaîner par « alors tu me le sers ou va falloir que je me relève ? »
Mais non, aujourd’hui Jean-Paul a un blanc et je ne parle pas du Pouilly Fumé.
Alors je lui demande si ça va. Il me répond que Simone est morte ; qu’il l’a enterré à l’aube et qu’il a fait comme qui dirait un petit monument funéraire parce que y’a pas d’raison, et qu’il faudra que je vienne voir.
« Je viendrai, bien sûr. Tu veux rester manger ? »
« Non j’ai pas faim »
Puis quelques minutes passent où nous disons rien. Certains pensent que les silences dans une conversation sont du temps perdu ou même des moments de gêne, avec Jean-Paul nous « silençons » beaucoup, ce n’est jamais long et c’est toujours sans fausse pudeur.
D’abord parce que n’avoir rien à dire ne veut pas dire qu’on n’échange pas et puis parce que le silence, le vrai, ne peut être partagé qu’avec ceux qu’on apprécie, et j’aime beaucoup Jean-Paul.
Ses yeux s’humidifient et quelques larmes roulent sur ses joues. Je les vois se rassembler à la point du menton et dégouliner sur le lainage qui couvre sa bedaine.
Je me lève et vais chercher le Pouilly Fumé que j’ai entamé avant qu’il arrive, je sors un verre à pied (le vin ne me plait vraiment que dans des verres à pied), le lui rempli au trois quart et le lui tend.
Machinalement il le prend et reste quelques secondes à le regarder, puis avec délicatesse et sans cérémonie il le porte à ses lèvres. Lentement il boit les yeux fermés.
Il sait que je le regarde, alors quand il a fini il me dit « t’as vu comme il est bon ? »
Oui je sais qu’il est bon et c’est avec lui que je veux le boire.
Encore un peu de silence puis il se lève et sans un mot file vers l’entrée.
« Tu viendras quand ? »
« En fin de journée »
« Elle sera contente ».
« Ne dis pas de conneries… »
« Toi tu ne crois en rien alors… »
Je ne lui réponds pas, il est déjà sorti en enfilant son imper.
Mais c’est vrai que je ne crois pas que Simone nous verra. Même morte une chatte ne reste qu’une chatte non ?
Ce message a été édité - le 19-11-2020 à 15:39 par Pierre
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Posté à 13h40 le 20 Nov 20
Ma-gni-fi-que !
J'ai lu et relu avec toujours la même émotion.
J'aime votre style, Monsieur Pierre !
... on en a connu des gros durs comme Jean Paul, hein, Lib' ...
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Posté à 19h08 le 22 Nov 20
Si j'ai l'ombre d'un soupçon de style, alors franchement je kiffe...
Mais bon, je viens de relire... alors bon franchement... enfin... bon.
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