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Coquin de sort
par Stapula


Cet été-là, je m’étais retrouvé avec un copain d’école, Rebrez, son prénom ne me revenant pas en mémoire, dans la carrière faisant face aux vestiges de l’usine à chaux, derrière le silo à grains. Cette carrière, creusée dans la craie, quelques taches d’argile ici et là, comportait de nombreux boyaux avec chambres qui avaient été aménagées pour servir de gîtes ou d’abris pendant la guerre dès le déclenchement des alertes. L’après-midi radieux, la chaleur, dans la cuvette, était étouffante. Des adolescents du Cours complémentaire faisaient leur apprentissage dans l’art de conter fleurette, de grandes sauterelles de mon quartier, Danièle et Cécile, dans l’assemblée. Guère concerné par les jeux s’éternisant entre les sexes, une géniale idée, digne des grands aventuriers, germa dans mon esprit : visiter le souterrain se trouvant tout au fond, à gauche, quand on accède à la carrière par la seule entrée principale. Il faut dire que la veille, publicité faite grâce au bouche à oreille, le téléphone arabe comme on disait, une revue en règle des lieux avait été organisée par les grands dont Georges Monsigny habitant comme moi chemin aux Vaches. Je le cite car je lui dois une fière chandelle au sens propre. En effet, content d’étrenner le ballon neuf, en caoutchouc, que ma mère m’avait acheté, je m’adonnais au jonglage en descendant ma voie, où ornières et silex s’y trouvaient en abondance, quand Georges me dit :« Passe-moi ton ballon ! ». Son désir devenant réalité, c’est par un coup de botte phénoménal qu’il catapulta mon bien haut dans les airs, à la verticale. La descente fut aussi rapide que la montée, le ballon, allez savoir pourquoi ! s’encastrant sur un piquet de clôture, véritable fer de lance, qui le transforma en deux hémisphères irréconciliables. Même le bourgmestre de Magdebourg n’aurait pu sceller les deux morceaux dans mes mains, à mon image, interloquées. L’expédition souterraine programmée en soirée, les experts explorateurs avaient allumé des torches faites de paille ficelée sur des bouts de branches. Passant sur cette fête aux flambeaux d’une magie à couper le souffle surtout dans les entrailles du tunnel, les ombres artisan du spectacle, je suivais le troupeau sans voir, à vrai dire, grand-chose. Mais j’étais là, sinon acteur au moins témoin de l’histoire. C’est persuadé que l’endroit n’avait plus de secrets pour moi, que j’invitai mon pote au baptême, pour lui, de l’inconnu. Moi en tête, nous nous enfonçâmes dans les ténèbres, au rendez-vous fraîcheur et humidité. Après une progression, qui dura combien de temps ? il fallait penser à rebrousser chemin. N’y voyant goutte, l’opération se révéla plus ardue que prévue. Je commençais à sentir mon cœur battre à coups redoublés, Rebrez sa main dans la mienne. Tâtonnant, je me disais qu’en suivant les murs des chambres nous finirions bien par sortir. La délivrance ne se dessinant pas à court terme, l’angoisse commença à m’étreindre, les pires scénarios me trottant par la tête. Finalement, je décidai de ne plus m’occuper des parois, prenant le parti, bien présomptueux, de m’engager au probable milieu. Ce qui s’avéra payant, une lueur apparaissant tout là-bas. Si nous ne prîmes pas nos jambes à notre cou, ce fut tout comme. La vie avait repris ses droits quand, à la sortie, le soleil nous abreuva de ses rayons, trop contents de retrouver les talus herbacés et fleuris où filles et garçons continuaient leur badinage, encouragé par les trilles et trémolos à n’en plus finir de nos chers oiseaux. L’équipée fut marquante, toujours aussi vivace presque soixante-dix ans après les faits. Le 27 mai 2017.



Poème posté le 02/07/20 par Stapula


 Poète
Stapula



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